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Publié le par Pattes

Je sais, rien de neuf ici depuis plus de deux semaines. J'ai pas la force.
Je dors mal, voire très mal, depuis trois semaines, je suppose que c'est le stress, le stress de quoi je préfère ne pas y penser. Ou me dire que c'est le concours qui approche.

En fait, c'est le concours, oui, mais pas en tant que tel. C'est le concours parce que je l'aurai pas, et que l'an prochain c'est la fac. Et après, j'en sais rien, et personne non plus. Après, c'est l'avenir, c'est le futur, et ça me fait peur.

C'est aussi la famille. Ca me fait mal de la voir comme ça. Mon frère est débordé et fait à peine face. Mon père est débordé et fait à peine face. Ma mère est débordée et doit faire face aux problèmes des autres et à ses parents qui vieillissent. Ma grand-mère commence à devenir sourde et à perdre la tête un peu. Je le sais, je le vois, et je ne peux le dire à personne. Mon grand-père vieillit de plus en plus mal. Il se rappelle encore qui je suis, enfin vaguement. Tout à l'heure, il m'a demandé comment je m'appelais. Ca fait mal.

Moi ça va bien, merci. Je bosse peu, très peu, trop peu pour le concours. J'arrive pas à me concentrer. J'ai la tête trop remplie de choses pour y arriver. Je culpabilise. De pas bosser alors que tout ce que me demandent mes parents, c'est pas d'avoir le concours mais de me mettre à sa portée. Tout ce que j'ai à faire, c'est travailler. Et être là quand ils ont besoin de moi.

Ma mère m'a pleuré dans les bras l'autre jour. Quand j'étais petite, je voulais toujours qu'on me fasse confiance, qu'on s'appuie sur moi en cas de besoin. Maintenant, je suis grande, et on le fait. Et je veux plus. Ca fait mal, quand on s'appuie sur toi. Comme tous les gamins, je voudrais que mes parents ils soient toujours forts, qu'ils supportent tout sans broncher, qu'ils puissent tout voir et continuer d'avancer. Mais c'est pas possible, personne peut faire ça.

J'ai envie de vomir presque en permanence, maintenant. À cause de l'angoisse. Et à cause de la fatigue. J'angoisse, du coup je dors pas, du coup je suis fatiguée, du coup je dors pendant le concours blanc, du coup je culpabilise, du coup j'ai envie de vomir.

En plus, ça se passe pas trop mal, ce concours blanc, surtout vu ce que j'ai bossé pour le réviser. L'histoire s'est passée, pour une fois j'avais une problématique dont j'étais à peu près contente, et j'ai bossé sans chrono. La philo, ça s'est passé comme de la philo. Pas de références, mais des transitions, cette fois. J'ai l'impression que ça ressemble presque à quelque chose. Le français, c'était pas ce qu'il avait dit. On avait des révisions à faire pour la dissert, et c'est autre chose qu'est tombé. Tant pis, c'est fini, je crois que je m'en suis pas trop mal sortie.

De toute façon, je m'en fous. Ok, ça compte pour l'année. C'est marqué sur le bulletin. Et alors ? Il me sert plus à rien, mon bulletin. En théorie si, pour les équivalences. En pratique, la fac me la donnera de toute façon pas, sauf si je suis admise. Donc je passerai les partiels en septembre quel que soit mon bulletin. Donc je m'en fous.

Je suis allée voir des clowns, hier. En fait j'y suis allée pour lui*. C'était chouette. Une heure pour y aller, une heure pour revenir, il faisait froid, j'étais pas assez habillée. La salle était petite, remplie de gens de l'école. Me suis sentie un peu seule, dans le public. Mais c'était drôle. Pendant deux heures, j'ai éteint ma tête. J'ai souri, j'ai ri, ça en valait la peine.

Je suis heureuse de voir qu'il est de toute évidence dans son élément. Et content d'y être, même s'il faut du boulot. Au moins, il a trouvé sa voie, et c'est bien. Je sais qu'il y a des moments où il va mal. Il m'en parle pas. Mais je sais qu'il le fera le jour où ça ira vraiment plus. En attendant, on se bat, il pêche mieux que moi, mais je joue mieux au bowling.

Et il me fait rire quand j'en ai besoin. C'est-à-dire souvent. On parle pas vraiment, parfois j'aimerais. J'ai l'impression de repousser mes problèmes au lieu d'en parler et de les neutraliser pour un instant (désodorisant machin, pour neutraliser les mauvaises odeurs. C'est pareil, les pensées noires, tu les retires un moment, elles reviennent. Toujours).

Enfin. Au moins elles s'en vont pour un temps. Heureusement que je l'ai. Je sais pas s'il le sait, mais il est devenu vraiment important dans ma vie. Il fait partie des personnes qui comptent le plus pour moi, le perdre maintenant me briserai, je crois. Oh je ne dis pas que je m'en sortirais pas, on finit toujours par s'en sortir plus ou moins. Mais j'aurais mal.

Et heureusement que je l'ai, elle. Un demi-neurone chacune, c'est obligé. On pense les mêmes choses au même moment. On a des avis divergents sur plein de sujets. Et on s'en fout. On rit, elle est drôle, un peu folle et c'est bien. Et elle sait écouter. Soi-disant, elle sait pas consoler les gens. Et pourtant, elle a réussi à le faire mieux que beaucoup de gens, dans mon cas.

En fait, c'est ça, la vie. C'est prendre sur soi du chagrin des autres. Et déverser le sien sur les épaules d'autres encore. Parfois c'est réciproque, ça s'appelle l'amitié. Parfois on voudrait mais on peut pas, pour ne pas briser plus la personne en face. Ca s'appelle la famille.

J'ai gagné des places pour une avant-première, demain soir. Deux places de ciné, aux Halles. J'irai pas. Pas spécialement le temps, pas envie de voir ce film, en tout cas pas maintenant. Et puis à deux, à deux avec qui ? Je préfère rester chez moi. Avec ma famille. Faire semblant d'aller bien encore un peu de temps. Jusqu'à la fin de la semaine, au moins.

Pour que ma maman aille mieux. Elle a déjà assez de soucis comme ça, pas besoin que je l'inquiète en plus. Alors quand je craque et que je pleure et qu'elle est là, je dis juste que je suis fatiguée, c'est tout. Pas que je suis inquiète, inquiète pour tout, tout le temps, et que ça me fatigue, et que ça fait un cercle vieux, ça tourne ça tourne ça tourne, et je me sens nauséeuse, et ça recommence.

Je donnerais n'importe quoi juste pour dormir une nuit entière. Sans me réveiller toutes les deux heures. Sans mettre une ou deux heures à m'endormir. Sans pleurer. Sans être obligée de prendre Margot dans mes bras pour faire semblant d'avoir quelqu'un avec moi qui me comprenne.

Si on disait qu'on est dans dix ans ? Avec une cheminée, un grand feu dedans. Un gros tapis épais devant, des bras autour de moi. Et des bougies, derrière. Et des gamins dans le salon, à qui on raconterait des histoires. Celles de la jeunesse de leurs parents.
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